De l’or dans le gazon

Quand j’étais enfant, sa jolie fleur jaune d’or nous servait de détecteur de mensonges : en la passant doucement sous le cou du suspect, si un reflet jaune apparaissait sur sa peau, le menteur était débusqué .

Quant aux jeunes filles, elles s’époumonaient à souffler sur ses pompons blancs – qui apparaissent à la fin de la floraison – pour savoir combien d’années elles devraient encore attendre le prince charmant : autant de fois qu’elles devaient souffler pour en disperser le duvet, autant d’années à patienter.

Quelle est donc cette fleur merveilleuse dont les enfants raffolaient autrefois ? Le vilain pissenlit, celui qui hante les nuits du jardinier pointilleux, prêt à tout pour l’effacer de son « green » !

Identités multiples

Le pauvre pissenlit se cache sous de multiples noms, sans doute pour échapper à ses persécuteurs : chopine, cochet, tête-de-moineau, couronne-de-moine, pichaulit, laitue-de-chien, dent-de-lion, florion d’or, or-du-pré, fleuron d’or ou roi de la prairie, ouf ! Et je suis sûr que vous en connaissez beaucoup d’autres.

Ici on le déteste et là on le fête !

Sculpture_pissenlit

Tous les deux ans depuis 1986, le premier dimanche du mois de mai avait lieu la fête des pissenlits de Xertigny, une petite commune située au sud d’Épinal, dans les Vosges en France.

Parade_pissenlit

Des chars habillés de milliers de fleurs de pissenlits (environ 250 000, cueillies par des bénévoles), des musiciens, des jongleurs, des cracheurs de feu, des majorettes et des groupes folkloriques se retrouvaient pour un joyeux défilé en l’honneur du pissenlit . J’allais oublier – quelle faute de goût – la reine des pissenlits et ses deux dauphines.

Reine_pissenlit

La confrérie des pissenlits

Des confréries, j’en connais beaucoup : le vin, le fromage ou le cochon ; mais j’ignorais, jusqu’à la rédaction de cet article, qu’il existât une confrérie des pissenlits ; toujours à Xertigny, la ville où se déroule la fête du pissenlit.

Entre deux intronisations, ses membres sillonnent les routes pour promouvoir les produits à base de pissenlits : gelées et vins tirés d’anciennes recettes.

Chaque premier dimanche de mars sont intronisés les membres d’honneur de confréries amies, venus de toute la France, de Belgique ou de Suisse.

Ils sont tenus de prêter serment et « glorifier les produits du pissenlit, d’en déguster plusieurs fois l’an, avant d’aller gouster de leur mourant, la racine ! »

http://www.confreriedupissenlit.fr/site/

Par la racine

Plutôt que de les manger par la racine – belle façon imagée de vous annoncer votre enterrement prochain, car elles sont si longues qu’elles descendent jusqu’au cercueil pour nous offrir un festin dont on se passerait bien – mangeons plutôt le pissenlit de notre vivant. C’est un puissant diurétique, d’où son nom de pisse-en-lit ;  il est donc déconseillé de s’en goinfrer avant d’aller se coucher quand on a de petits problèmes d’incontinence …  C’est une source importante de vitamines et il est, paraît-il, souverain pour soulager le foie encombré, au point que les Russes l’utiliseraient dans la conception de certains médicaments.

Fini les herbicides

On se demande pourquoi il a fallu tant d’années pour, enfin, interdire ces assassins en herbe qui auraient fini par avoir notre peau plutôt que celle des pissenlits. Le jardinier amoureux de la nature que je suis, les fait plutôt passer du jardin au saladier depuis longtemps.

Comment les contrôler

Je n’utilise plus, depuis des années, d’herbicide dans mon jardin. Pour garder le contrôle de la pousse, il est vrai légèrement envahissante du pissenlit, voici ce que j’ai fait pour y parvenir : premièrement, j’ai diminué de 70% la surface engazonnée de mon jardin ; deuxièmement, dès qu’ils sortent le bout de leur nez, hop, à la casserole.

Ensuite, tout le reste de la saison, je les arrache régulièrement avant qu’ils ne fleurissent (les racines sont profondes) et je les envoie au compost, mais attention, jamais de pompons de graines dans le composteur sinon il y en aurait vite dans tout le jardin.  L’autre point important, c’est arriver à décider les voisins directs de faire la même chose sinon le vent viendra saboter tous vos efforts.

Où et comment les récolter

DCF 1.0

Bien avant la première tonte du gazon et dès que le soleil printanier réchauffe nos membres engourdis par cinq ou six mois d’hiver, c’est le moment d’aller à la « chasse » au pissenlit, prédateur dans le gazon, mais bienfaiteur dans notre assiette. Environ deux semaines, pas plus, c’est le temps que nous avons pour en profiter. Dès que le bouton de fleur apparaît, il devient amer et coriace ; mais à ce moment d’autres utilisations sont possibles, car les boutons floraux parfument délicieusement les marinades et des fleurs, on tire un excellent vin.

Pour les cueillir, c’est simple : choisir les sujets les plus jeunes et les plus petits, enfoncer légèrement la lame d’un couteau dans la terre près de la base du pissenlit et tourner autour comme pour enlever le cœur d’une pomme.

Les trucs à retenir

Feuilles_pissenlit

En salades ou cuits comme les épinards, il faut les consommer frais, car la congélation ne leur réussit pas très bien. Plus ils sont jeunes, moins ils sont coriaces ; ce qui n’est pas forcément le cas de nos chères têtes blondes…Hum, c’est pour rire les enfants.

Allez hop ! Tout le monde à la campagne.

Il en pousse partout, ils sont facilement accessibles en toute sécurité et il fait un temps superbe alors pourquoi ne pas en profiter pour organiser une « chasse » aux pissenlits en famille, l’équipement est simple : quelques couteaux à bouts arrondis pour ne pas se blesser et un grand panier en osier.

Au printemps, comme vous les enfants ont besoin de prendre l’air, une occasion de leur faire découvrir les joies de la nature tout en leur apprenant à la respecter….mieux que nous ne l’avons fait.

À ce propos, comme tout ce que l’on cueille dans la nature, il faut proscrire les lieux pollués comme les bords d’autoroutes et les zones industrielles.
Salade_pissenlit

Salade de pissenlits

4 personnes

Ingrédients

  • 450g (1 livre) de petits pissenlits
  • 4 oeufs
  • 8 tranches de bacon maigre
  • 100 g (½ tasse) de fromage de type bleu, Roquefort ou un fromage de chez nous :  le Rassembleu  (Les Fromagiers de la table Ronde dans les Laurentides).
  • 30 ml (2 c. à soupe) de moutarde forte
  • 60 ml (4 c. à soupe) de vinaigre de vin
  • 90 ml (6 c. à soupe) d’huile d’olive
  • Sel et poivre au goût

Préparation

Enlever les petites racines et la terre des pissenlits, les laver soigneusement et les faire tremper cinq minutes dans de l’eau froide additionnée de 3 ou 4  cuillerées de vinaigre blanc. Rincer, égoutter et essorer les pissenlits dans un linge.
Dans un saladier, préparer la vinaigrette avec la moutarde, l’huile et le vinaigre. Saler et poivrer au goût.

Cuire les œufs mollets (8 à 9 minutes) dans de l’eau chaude et les éplucher.
Couper les tranches de bacon en larges morceaux et les faire bien dorer dans une poêle antiadhésive.

Déposer les pissenlits dans le saladier, ajouter le bacon chaud avec sa graisse.

Parsemer de fromage émietté et mélanger délicatement.

Servir la salade dans chaque assiette et y déposer un œuf mollet encore tiède ouvert en deux.

Accompagnée de quelques pommes de terre nouvelles cuites en robe des champs, voilà une succulente salade repas vite préparée.

Les vins les plus agréables pour accompagner cette salade : les vins rosés

Le petit truc en plus

Il y a toujours quelques pissenlits qui fleurissent avant les autres, quand ils poussent dans un coin abrité et bien exposé au soleil, profitez-en pour prélever quelques fleurs bien fraîches qui serviront à décorer votre salade. Les fleurs sont tout à fait comestibles et délicieuses.

Des pissenlits à l’apéro ?

Il est possible de fabriquer un excellent vin apéritif avec des fleurs de pissenlits, mais le processus de fermentation est un peu long ; comme je suis parfois un adepte des raccourcis, voici une recette simple et rapide qui n’en est pas moins agréable à déguster.

Dans un bocal, verser 100 gr (11/2 tasse) de fleurs de pissenlits – bien lavées et épongées – ajouter 1 litre de vin blanc doux et 60 ml (4 c. à soupe) d’alcool de fruits, bien remuer et laisser macérer à l’abri de la lumière dans une pièce tempérée. Après un mois, filtrer, mettre en bouteille et garder au frais.