Les girolles de Didier !

Vous me pardonnerez ce trait d’humour dans le titre de cette chronique, mais s’appeler Girol en France vous assure d’être affublé de tous les sobriquets possibles. Je fus donc rebaptisé tour à tour : mousseron, champignon de Paris ou trompette de la mort, de la maternelle jusqu’à mon arrivée au Québec. Mais comme à toute chose malheur est bon, c’est sûrement une des raisons pour lesquelles je suis devenu un mycologue amateur.

La girolle est mon champignon préféré; j’aime son goût, sa texture, sa couleur et par-dessus tout j’aime la trouver dans la forêt. Même si une belle et longue promenade en forêt se suffit à elle-même pour me combler de bonheur, revenir à la maison avec un gros panier de girolles que je vais aussitôt passer à la casserole, me donne une petite vision du paradis.

 

L’oeuvre du diable

Quelle triste réputation pour ces étranges fruits sylvestres que sont les champignons. Alors que nos ancêtres des cavernes n’hésitaient pas à s’en nourrir, à partir du Moyen-Âge et jusqu’aux années1800 environ, seules les guérisseuses, les sorciers et les empoisonneurs de tous poils, connaissaient les propriétés intrinsèques des champignons.

À cette époque, ils étaient considérés comme les fruits du diable, car, loin de la gastronomie, ils servaient plutôt à l’élaboration de potions magiques ou de poisons plus ou moins violents, dans le but d’éliminer l’ennemi mortel ou la princesse volage. Agrippine et Néron les ont allègrement utilisés!

 

Alice au pays des sorcières

L’effet hallucinogène de certains champignons pouvait lui aussi passer pour de la sorcellerie; on en trouve même trace dans Alice aux pays des merveilles où le champignon qu’elle croque pour grandir ou rétrécir est de toute évidence l’amanite tue-mouche, dont l’un des effets secondaires est justement l’impression de voir s’agrandir ou rapetisser les objets autour de soi. L’auteur Lewis Carroll aurait-il testé la chose ? Je laisse la réponse aux historiens.

Certains des symptômes comme les hallucinations, les convulsions ou les distorsions du visage d’un dangereux champignon :  l’ergot de seigle – qui pousse sur cette céréale -, pouvait également prêter à confusion. Il n’en fallait pas plus, au merveilleux temps de l’Inquisition, pour trouver prétexte à torturer et assassiner la pauvre paysanne, accusée de sorcellerie alors qu’elle s’était simplement intoxiquée en mangeant sa tartine matinale. Un malheur n’arrive jamais seul!

Ergot seigle
Ergot du seigle

C’est le temps des girolles

Girolle est l’un des noms communs de la Cantharellus cibarius ou chanterelle commune, comme tous les champignons courants, elle est affublée de différents noms communs qui varient selon les régions ou les pays où elle se trouve : chanterelle ciboire, girondelle, crête de coq, jaunotte, etc.

La chanterelle est recherchée pour ses qualités gustatives par tous les grands chefs cuisiniers européens. Depuis plusieurs années elle retrouve enfin sa place au Québec.

 

Reconnaître la girolle

La girolle est facile à identifier : une belle couleur jaune orangé ; un chapeau en forme de coupe, à l’âge adulte ; des plis plutôt que des lamelles qui vont du bord du chapeau jusqu’à la moitié du pied et, pour finir, elle exhale une odeur fruitée caractéristique . Le débutant doit malgré tout se méfier, car, même s’il est peu courant, le clitocybe lumineux (Omphalotus illudens) champignon toxique, est assez semblable à la girolle au premier coup d’oeil. Après un examen visuel rapide, on s’aperçoit qu’il possède de véritables lamelles plutôt que des plis sous le chapeau; une odeur faible assez désagréable et qu’il pousse en touffes denses, ce qui n’est pas le cas des girolles, même si elles se trouvent parfois très nombreuses sur une petite surface.

Omphalotus illudens
clitocybe lumineux (Omphalotus illudens)

La saison des girolles

La période où les girolles poussent en abondance peut commencer dès la fin juin, les années pluvieuses. Cette année j’en ai déjà fait une bonne récolte le 30 juin dans la région de Québec. Les années plus sèches, elles commencent à montrer le bout de leur chapeau à la mi-juillet et la saison peut se prolonger jusqu’à fin septembre.

 

Où trouver des girolles

Elles préfèrent les bois clairsemés et le bord des chemins ou des routes des forêts plus denses. J’ai constaté qu’elles sont nombreuses là où se trouvent des souches ou des troncs de sapins en décomposition,  à l’orée des forêts mixtes âgées.

Il faut bien regarder autour de soi lorsqu’on trouve une girolle, car les autres ne sont pas loin, cachées sous les fougères, les feuilles, les troncs en décomposition et même sous les pierres plates. Parfois, au détour d’un chemin, on peut avoir la chance de tomber sur une « talle » qui va nous permettre de remplir le panier en quelques minutes ; l’année dernière dans le même espace de quelques mètres carrés, j’ai récolté six kilogrammes (13 lb) de girolles, en deux heures ! Il fallait me voir, à quatre pattes dans la forêt, remplissant mes paniers, comme un enfant qui serait tombé dans une énorme caisse de bonbons.

Quel bonheur que les joies de la forêt !

chanterelles

Comme des champignons

Contrairement à beaucoup d’autres espèces, la girolle à une croissance lente, jusqu’à trois semaines, selon la température et la pluie dont elle bénéficie.

 

Respecter la nature

Contrairement à l’idée reçue, il n’est pas nécessaire de cueillir un champignon en le coupant au ras du sol pour laisser la « racine » dans le sol, par contre, ce qui est dommageable c’est le piétinement, fatal pour le mycélium (filaments blancs qui sont en fait l’appareil végétatif dont les champignons sont les fruits).

 

Conserver les girolles

Les spécimens sains peuvent se conserver plus d’ une semaine au réfrigérateur, ce qui est assez exceptionnel pour un champignon sauvage. Elles sont bien meilleures consommées fraîches, mais, en cas de récolte d’abondante, on peut les congeler en sacs après leur avoir fait rendre leur eau, sans matière grasse, dans une poêle ou une sauteuse. Je vous recommande de vider l’eau rejetée par les champignons au fur et à mesure, pour accélérer le processus et ne pas trop les cuire.

En suivant les instructions du fabriquant, on peut aussi les stériliser dans des pots hermétiques.

Il est possible de les sécher, mais c’est une opération longue, qui ne donne pas un très bon résultat gustatif lors de la réhydratation.

Autre procédé que j’aime particulièrement  : les préparer comme les cornichons, dans le vinaigre d’alcool, avec des petits oignons blancs, quelques gousses d’ail et une tige d’estragon frais, après les avoir fait blanchir une minute dans de l’eau bouillante. Un délice pour accompagner une terrine de gibier, du jambon ou un pot-au-feu.

 

À savoir

  • La girolle est rarement infestée par les insectes, sauf dans la chair du pied – de certains sujets un peu âgés-, il suffit alors de l’éliminer.
  • C’est vrai pour les girolles comme pour tous les autres champignons :  il faut écarter les sujets abîmés, trop âgés ou tachés de moisissure verdâtre.
  • Le cueilleur de girolle ne doit pas oublier trois choses importantes avant de partir en forêt : un panier rigide, un couteau et … un bon produit corporel pour éloigner moustiques et autres vampires assoiffés de notre sang, car l’arrivée des premières girolles correspond malheureusement à la « saison des moustiques ».
  • Si une limace a grignoté un petit morceau du chapeau, on peut les consommer malgré tout, il suffit d’enlever la chair meurtrie avec la pointe d’un couteau.

dommage limace girolle

Mises en garde

Nul de devrait consommer un champignon sauvage sans être sûr de l’avoir bien identifié. Rappelons-nous qu’il suffit de quelques grammes d’amanite vireuse – un superbe champignon blanc surnommé « ange de la mort » – pour se retrouver ad patres après quelques souffrances pas très agréables !
Il faut éviter de cueillir des champignons dans les zones polluées et les bordures de routes passantes, car ils ont la particularité de concentrer les produits toxiques. Les mycologues amateurs d’Allemagne, de Suisse et de l’est de la France se souviennent encore des conséquences des radiations – suite à l’accident nucléaire de Tchernobyl – poussées par les vents jusque dans leurs forêts et captées par les champignons : privés de cueillette pendant des années !

 

Du côté de l’herboriste

Les girolles sont particulièrement riches en vitamine A et comme beaucoup de champignons contiennent des vitamines B et D. Pratiquement aucun ne contient de vitamine C, mais ils sont riches en oligo-éléments comme le sélénium, le zinc, le calcium et le phosphore.

Si la science est prometteuse quant à l’utilisation des champignons en pharmacopée, l’amateur devrait se contenter d’en faire un usage uniquement culinaire, car ceux qui sont réputés aphrodisiaques ou hallucinogènes, ou encore qui soigneraient ceci ou cela, sont souvent toxiques.

 

Le livre

Champignons sauvages

Champignons sauvages à découvrir dans le nord-est de l’Amérique par Thierry Bissonnette, Éditions du Pré-vert

 

Les sites

Le cercle des  mycologues de Montréal

 

Recette

Oignons rouges farcis aux girolles

4 personnes

oignons girolles

Ingrédients

  • 4 gros oignons rouges (ou 8 petits)
  • 500 g (1lb) de girolles fraîches
  • 4 gousses d’ail hachées
  • 30 ml (2 c. à soupe) de persil haché
  • 30 ml (2 c. à soupe) de vin blanc sec
  • 30 ml (2 c. à soupe) de beurre (de margarine ou d’huile d’olive)
  • Sel et poivre au goût

Préparation

Éplucher les oignons et couper les chapeaux, vers le côté pointu. À l’aide d’une petite cuillère, évider l’intérieur en laissant suffisamment de chair pour qu’ils restent solides. Hacher finement la moitié de la chair récupérée (garder le reste pour une salade).

Nettoyer les girolles et les faire sauter sans la matière grasse, dans une poêle antiadhésive, jusqu’à l’évaporation complète de leur eau. Ajouter le beurre, l’ oignon, l’ail, le persil haché, le vin blanc et faire revenir le tout 2 minutes. Saler et poivrer.

Garnir chaque oignon avec le mélange obtenu et replacer le couvercle. Emballer chaque oignon dans une feuille de papier d’aluminium. Verser une cuillerée à thé d’eau dans le fond.

Déposer les papillotes dans un plat allant au four et cuire environ 20 minutes à 1750C/ 3500F. Les oignons doivent rester un peu croquants.

Servir : selon la saison, avec de la choucroute cuite, des lentilles ou comme sur la photo des gourganes sautées au beurre.

oignons farcies girollesgourganes beurre

À noter

  • Si vous utilisez des girolles congelées ou en conserve, diminuez la quantité de moitié environ.
  • Cette recette convient bien au barbecue. Placer les paillotes sur la grille du haut, ou sur la grille principale, mais pas sur le feu direct, pour le même temps de cuisson, couvercle fermé.