La petite histoire de la phytopathologie et de l’entomologie

Remontons l’histoire près de 1000 ans av. J.-C., soit près de l’époque romaine. À cette période, la perception des problèmes phytosanitaire était reliée à des fléaux divins. Cette perception a évolué jusqu’à aujourd’hui ou l’on voit plutôt les insectes et les maladies comme des composantes d’un écosystème.

La première inscription d’une maladie a été faite dans l’Ancien Testament où l’on mentionne l’apparition de la rouille du blé. Cette maladie considérée comme un fléau important de l’histoire a été suivi de l’ergot du seigle appelé aussi le mal des ardents et même le feu de Saint-Antoine au moyen-âge. Elle a aussi fait des ravages en 1596 et en 1951. C’est d’ailleurs cette maladie qui a mené à la découverte de la drogue appelée LSD, un puissant psychotrope hallucinogène. Le premier écrit scientifique sur les maladies a été présenté par Theophraste qui a vécu en Europe de 372 à 288 av. J.-C. suivi de Pline l’Ancien de 23 à 79 apr. J.-C.

Faisons ensuite un saut jusqu’en 1845-1852 alors que le mildiou de la pomme de terre a été responsable de la grande famine qui a entraîné la mort de milliers de personnes majoritairement en Irlande. Autre maladie importante dans l’histoire de la phytopathologie est la rouille du café qui a frappé durement le Sri Lanka en 1869 et le Brésil en 1970. D’ailleurs, ce serait apparemment à cause de la raréfaction du café à cette époque que les Anglais l’ont remplacé dans leurs habitudes de consommation par le thé.

C’est l’arrivée du microscope qui a permis de découvrir les moisissures et de faire avancer de manière importante le diagnostic des maladies. De plus, Robert Koch en 1876 a émis ce qu’on appelle les postulats de Koch qui constituent la pierre angulaire de la phytopathologie encore aujourd’hui. Ses énoncés sont en fait des critères destinés à établir la relation de cause à effet liant un microorganisme et une maladie.

Les moyens de lutte qui étaient utilisés jusqu’à la fin des années 1500 n’étaient guerre efficace. Ils consistaient en des prières et incantations aux dieux ainsi que des sacrifices d’animaux. Les moyens de luttes ont évolué de manières significatives à partir du 17e siècle et surtout lors de la révolution industrielle au 19e siècle. La bouillie bordelaise, un fongicide, qui a été inventée par Alexis Millardet en 1885 est d’ailleurs toujours utilisée de nos jours. L’introduction de méthodes scientifiques et l’amélioration de la connaissance des ravageurs ont aussi contribué à l’évolution des moyens de lutte. Les premiers moyens de lutte biologique contre les insectes ont été essayés en 1873 alors que les pesticides de synthèse de 1ere génération à base d’arsenic, de BPC, de métaux lourds, etc. ont fait leur apparition au 19e siècle lors de la 1ere guerre mondiale. Les pesticides de synthèse de 2e génération, dont le DDT, ont été développés par l’armée américaine pour protéger ses soldats des poux et des insectes qui étaient porteurs de maladies tels le typhus ainsi que la malaria. Ces pesticides étaient très persistants et efficaces. Ils avaient un large spectre d’action et étaient peu coûteux. La période de 1945 à 1975 a aussi été surnommée par certains comme la grande noirceur chimique suite à l’essor de la chimie et de l’utilisation massive du DDT. Alors que d’autres l’ont plutôt appelé la révolution verte.

C’est au tournant du 20e siècle que les maladies bactériennes chez les plantes ont été découvertes soit en 1901. C’est aussi à cette période qu’ont eu lieu les premières interventions gouvernementales en phytoprotection ainsi que le début de l’enseignement et de la recherche universitaire en entomologie. C’est en 1928 qu’à été découverte la pénicilline par sir Alexander Fleming qui s’est d’ailleurs mérité un prix Nobel en 1945. La pénicilline est une toxine, inoffensive pour l’homme, maintenant utilisé comme antibiotique, qui provient d’une moisissure issue du champignon Pénicillium notatum. En 1950, les fongicides organiques de synthèse furent découverts, dont spécifiquement la molécule Thiocarbamate qui constitue la base de l’ingrédient actif du fongicide Mancozeb qui d’ailleurs a été le fongicide le plus vendu dans le monde en 2008. Finalement, en 1978, des chercheurs ont aussi découvert le Benomyl que l’on retrouve dans les fongicides organiques de synthèse systémique comme le Benlate.

En 1962, Rachel Carson a publié un ouvrage intitulé Silent Spring qui a mené au bannissement du DDT en 1972. Elle fut alors accusée d’avoir tué des millions de gens principalement dans les pays où l’on utilisait le DDT pour tuer les insectes propagateur de la malaria.

La période de 1975 à 1998 fut une période d’intervention importante du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation du Québec dans le domaine de la phytoprotection. Le Ministère a créé en 1975 le Réseau d’avertissement phytosanitaire (RAP) et en 1986 le Laboratoire de diagnostic en phytoprotection. En 1992, il a doté le Québec d’une stratégie phytosanitaire qui visait à réduire de façon notable l’emploi des pesticides en agriculture. Finalement, il a créé en 1998 l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) suite à l’abolition de sa direction de la recherche.

C’est en 1983 qu’a été inventé la méthode de diagnostique appelé PCR soit réaction en chaîne par polymérase (PCR est l’abréviation anglophone de polymerase chain reaction). Il s’agit d’une méthode de biologie moléculaire qui permet entre autres de détecter la présence de virus ou d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans des tissus de plantes. Finalement, c’est en 2000 que des chercheurs ont réussi le séquençage complet de l’ADN d’un champignon pathogène du genre Magnaporthe.

Il y a 3000 ans, le problème le plus important était la rouille du blé et aujourd’hui la rouille nous rattrape. Toutefois, il est possible de dresser un bilan de santé assez positif de l’entomologie agricole au Québec malgré un bilan mitigé de la réduction de l’utilisation des insecticides en milieu agricole. La suite de l’histoire est toutefois difficile à prévoir avec l’avancement rapide de la science, le retrait graduel des pesticides, l’utilisation plus importante des nouvelles techniques de lutte intégrées et malheureusement le développement accru de résistances aux moyens de luttes par les insectes ravageurs et les pathogènes.