La saison des fines herbes bat son plein c’est le moment d’engranger pour l’hiver !
Parfums des garrigues
Je suis né en Provence, l’une des plus belles régions de France qui va de la Camargue jusqu’à Nice où elle longe la Méditerranée puis, remonte dans les terres pour aller faire un petit tour sur le pont d’Avignon avant d’escalader les Alpes de Haute Provence jusqu’à Barcelonnette.
En plus de l’accent qui chante, du chant des cigales et des parfums des garrigues, mon enfance a été bercée par Alphonse Daudet, Pagnol, Fernandel et Raimu, que mon père vénérait et par la cuisine provençale, que ma mère préférait.
Dès que j’ajoute un peu de thym ou de romarin dans ma casserole, leur parfum déclenche en moi une douce vague de nostalgie de la Provence que seuls un petit pastis bien frais et une bonne bouillabaisse arrivent à apaiser.
Pour comprendre, il faut avoir, au moins une fois dans sa vie, fait une grande balade dans une garrigue écrasée de soleil après une bonne pluie d’orage et passé une heure ou deux dans un marché de Provence.
Mais tout le monde a un peu de Provence dans sa cuisine : de l’huile d’olive, quelques olives, quelques tomates séchées et au moins deux ou trois variétés d’herbes de là-bas.
Les herbes de Provence
Aussi indispensables en cuisine que l’ail, l’oignon ou le vin blanc. Ce sont les herbes de Provence qui mettent si bien en valeur la chair tendre de l’agneau et la force tranquille du fromage de chèvre ; sans le thym et le laurier, la ratatouille n’est plus qu’une simple jardinière de légumes.
Un mélange d’herbes de Provence est en général constitué de thym, de romarin, d’origan, de sarriette et de basilic, mais souvent également de marjolaine, de laurier ou de sauge.
Comme il est difficile de toutes les passer en revue dans un seul article, j’ai sélectionné mes trois préférées : le thym, le romarin et le basilic.
Le thym (Thymus vulgaris)
Le thym, connu également sous le nom de farigoule ou farigoulette en Provence et thym français au Québec, est certainement le plus utilisé. C’est un petit arbrisseau qui pousse à l’état sauvage dans tout le bassin méditerranéen ; du couscous à la paëlla, en passant par la bouillabaisse et la ratatouille, le thym est à l’aise partout. Mais, plus au nord, le thym est l’épice incontournable du bouquet garni que l’on trouve dans tout bon pot-au-feu.
On ne peut pas parler du thym sans parler de son proche cousin sauvage : le serpolet, il est légèrement citronné et se marie particulièrement bien avec le lapin qui, d’ailleurs, s’en nourrit abondamment dans la nature.
Le romarin (Rosmarinus officinalis)
Le romarin est un arbuste à feuilles persistantes, qui produit de petites fleurs bleu mauve au printemps. Quand le climat lui est favorable, il peut atteindre deux mètres de hauteur. Quand il « souffre » dans les rocailles ensoleillées, il ne dépasse pas les cinquante centimètres de haut, mais son parfum est beaucoup plus puissant. En général on l’utilise plutôt en branche entière dans un bouquet garni et les marinades ou dans les mélanges préparés d’herbes de Provence ; il faut le doser savamment, car son parfum puissant à tendance à supplanter les autres.
Le basilic (Ocimum basilicum)
Dans son milieu naturel, le basilic est une plante vivace très robuste, ici on le cultive comme une plante annuelle que l’on peut rentrer pour l’hiver.
Sans le basilic, point de soupe au pistou, de minestrone, ni de pesto ; j’aime tellement son odeur que je ne peux m’empêcher d’en grignoter une feuille chaque fois que je passe devant mon pied de basilic dans le jardin.
Le basilic a un parfum prononcé, mais si délicat, qu’il supporte mal la cuisson, il est préférable de le consommer cru dans les salades – ciselé au dernier moment – ou ajouté en fin de cuisson, pour en conserver tous les arômes. Associé à l’ail et à la tomate, le basilic nous procure une saveur et un parfum inégalables.
La légende de Basilic
Par analogie avec le monstre Basilic, serpent fabuleux sorti d’un œuf pondu par un coq et couvé par un crapaud dont le regard foudroyait celui qui le croisait et par conséquent, s’autodétruisait en se regardant dans une glace, on a donné à cette plante le pouvoir imaginaire d’être l’antidote du venin de scorpion. Même Harry Potter s’y est frotté !
Conserver les herbes de Provence
Le thym et le romarin se conservent quelques semaines en branches sous forme de petits bouquets que l’on garde à portée de main dans la cuisine.
Pour les conserver plus longtemps, il faut les faire sécher dans un panier en osier ou en bouquets suspendus la tête en bas dans un endroit sec et aéré. Une fois bien sec, il ne reste plus qu’à frotter leurs branches entre nos mains pour récupérer les feuilles et les conserver dans un récipient hermétique conservé à l’abri de la lumière.
Le basilic quant à lui se conserve bien dans l’huile d’olive dans un bocal placé au réfrigérateur. On peut également congeler ses feuilles. Le basilic peut être séché, mais il perd une bonne partie de son parfum.
Petits trucs
Pour limiter les odeurs d’un fromage « un peu fort » dans le réfrigérateur, déposer une feuille de laurier dans la boîte.
Pour avoir constamment à sa disposition une huile d’olive bien parfumée, insérer quelques tiges de romarin et de thym et quelques feuilles de laurier dans la bouteille d’huile d’olive. Une fois l’huile entièrement utilisée on jette la bouteille, car les herbes ont une durée de vie limitée, même dans l’huile.
Une infusion de romarin versée dans l’eau du bain procure un agréable effet relaxant pour le corps.
Doser les herbes de Provence dans une recette est simple : une cuillerée à thé d’herbes séchées peut être remplacée par une cuillerée à soupe d’herbes fraîches.
Il ne faut pas attendre trop tard dans la saison, pour rentrer les potées d’herbes de Provence que l’on désire conserver l’hiver, les premières nuits froides et humides facilitent la propagation de moisissures qui peuvent leur être fatales.
Le saviez-vous ?
· Le marché des herbes de Provence est si impressionnant que la France a créé le Label Rouge des herbes de Provence, un label de qualité devenu nécessaire sur un marché annuel mondial estimé à cinq cents tonnes dont seulement dix sont d’origine française.
· Les herbes de Provence sont également des compagnes très intéressantes pour les jardins de fleurs, le thym comme le serpolet font de belles bordures, un romarin cultivé en pot sera magnifique au centre d’une rocaille et, si l’on prend soin de le conserver l’hiver dans un endroit ensoleillé, en plus de nos plats, il parfumera la maison et retrouvera sa place au jardin l’été suivant.
· Plusieurs herbes de Provence sont vivaces au Québec comme le thym, le serpolet et la marjolaine, les autres plus fragiles comme le romarin et le basilic peuvent facilement être cultivés à l’intérieur pendant la mauvaise saison.
Du côté de l’herboriste
Depuis la nuit des temps, les herbes de Provence sont appréciées pour leurs vertus médicinales. Elles sont en général réputées pour leurs propriétés antiseptiques, antifongiques et digestives. Je me souviens que ma mère soignait tous nos problèmes digestifs avec une bonne tisane de farigoulette (thym).
Le thym est un puissant antiseptique : un bacille ne résiste pas plus d’une ½ heure à l’action de l’essence de thym. Le thymol extrait de la plante est à l’origine de la Listérine™ premier antiseptique mis au point par le chirurgien britannique Joseph Lister, bienfaiteur de l’humanité.
Mais attention, comme le romarin, le fenouil et le basilic qui ont beaucoup de vertus communes, consommées en trop grande quantité ces plantes peuvent être toxiques, principalement le romarin.
Un rappel
Il ne faut jamais utiliser des plantes à des fins médicinales sans avoir les connaissances nécessaires pour le faire ou consulter un thérapeute compétent en la matière. Beaucoup de plantes bien utilisées peuvent aider à conserver une bonne santé, mais certaines d’entre elles sont très toxiques et même mortelles.
Le livre
Herbes de Provence par Gardinier Anthony Freeman – édité par Ouest-France en 2005
La recette
Brochettes de crevettes provençales
4 personnes
Ingrédients
- 24 grosses crevettes crues décortiquées
- 6 tomates italiennes
- 4 gousses d’ail
- 125 ml (1/2 tasse) d’huile d’olive
- 45 ml (3 c. à soupe) de chapelure de pain
- Un bouquet de thym frais
- 4 branches de romarin frais
- 12 feuilles de basilic frais
- 4 feuilles de laurier
- le jus d’un citron
- Sel et poivre du moulin au goût
Préparation
Enfiler les crevettes sur des brochettes en métal ou en bambou (6 par personne).
Dans un plat à marinade, déposer les brochettes et les parsemer de thym et de romarin. Éplucher et hacher finement 2 gousses d’ail et les ajouter dans le plat à marinade avec les 4 feuilles de laurier. Arroser d’huile d’olive et de jus de citron et bien mélanger pour répartir les herbes dans la marinade et réserver 1 heure au réfrigérateur.
Dans un bol, mélanger ensemble : les 2 dernières gousses d’ail et le basilic hachés finement et la chapelure, saler et poivrer.
Couper les tomates en deux dans le sens de la longueur, couvrir la surface coupée de chaque tomate avec la chapelure et les déposer sur le gril ou sur la grille du barbecue, laisser cuire à couvert environ dix minutes.
Égoutter les brochettes pour enlever l’excédent de marinade et les faire cuire à feu vif environ 3 minutes de chaque côté.
Servir sur un lit de salade romaine avec des rondelles de citron.
Avec cette recette ensoleillée, un vin rosé de Provence bien frais s’impose.